Ce qui manquait à l'Algérie pour accomplir sa souveraineté (1) c'est la mosquée d'Alger. La grande mosquée. La plus grande d'Afrique s'il vous plait. Dommage qu'elle ne soit pas la plus grande du monde.
Au pays des merveilles, la grandeur de la nation se mesure au nombre de minarets (2). Les hautes et grandes minarets.
L'expérience des hyper projets et infrastructures est restée sans lendemain. Rappelons-nous le complexe sidérurgique d'El-Hadjar qui a fini tout de même entre les mains des indiens et est devenu une niche pour les maffieux. Depuis 1996 l'Algérie est devenue importatrice du rond à béton.
La grande mosquée finirait-elle, à son tour, entre les mains des cheikhs et sultans de l'Arabie et consoliderait-elle, cette fois-ci, l'importation des produits "culturelles" wahhabites et de leurs capitaux source, entre autre, de la décennie noire, rouge de sang des innocents.La grande mosquée d'Afrique, ou du monde si ceci gratifie l'ego et la fierté de certains, sera construite par des canadiens (le bureau d'études DESSA SOPRIM retenu pour l'assistance de l'ouvrage). Des grands mécréants que je sache! ?
A Khenchela l'hépatite C, pour ne citer que cette maladie, fait des ravages. Une épidémie. Le seul hôpital de la ville est construit par la France coloniale. La population attend toujours son hôpital ; ni le plus grand d'Afrique ni d'Algérie.
Dans la vallée d'Ighzar Amellel, au courant du mois de mai dernier, les pluies ont ravagé les cultures, détruit les biens et le peu des "petites infrastructures". La population réclame à l'État la prise en charge de ses revendications ; des petites revendications. Ils ne demandent pas un grand barrage ni un grand pont ni une grande usine. Et dieu sait que les chawis sont un grand peuple et le mérite bien. Peut être, aux yeux des décideurs, les chawis sont une matière utile à pomper les grands discours lors des grandes messes électorales à la galoire de leurs sacrifices énormes. Par galanterie, nous remercions, au nom des chawis sinistrés, ceux qui ont fait l'effort d'envoyer aux aurèssiens des cartables et des stylos dans les bus de solidarité même si l'année scolaire est finie et les besoins des sinistrés sont autres.
Au sud des Aurès, le grand désert avance. Les grands décideurs du pays, tellement petits, sont incapables d'y faire face en plantant des arbres. Un petit barrage vert quoi !!
A l’instar de Kimel et de ses environs, des villages reculés des Aurès, les enfants doivent faire plusieurs kilomètres pour arriver à l’école, le ventre souvent vide, un morceau de galette pour couper la faim à l’heure du midi, faute d’autobus et de cantines scolaires. Le pouvoir central, illégitime, n’a jamais eu de budget pour ces perdants de la révolution bien que, durant des années, le pétrole coule à flot et que ses prix renflouent les caisses de l’État. Pardon, du Makhzen.
Les grands ventres du pays, point de discrimination, ne se soucient guerre des petites gens qui ne demandent pas un grand mechwi tous les jours. En constatant la flambée des prix des barils de pétrole et du Gaz, indexé sur celui du pétrole, ils, les petites gens, demandent à l'État leur dû.
Les chômeurs d'Alger, ses sans abris, ses mal logés, ses affamés et ses malades pourraient se faire plaisir en allant à la "grande" mosquée pour prier le bon dieu espérant son intervention divine. Quant aux chawis, ils n'ont qu'à arrêter de prier "Salat el Istisqa" (prière de la pluie ou de l'arrosage en langue arabe) pour se prévenir des dégâts du bon dieu ou faire appel à Anzar, l'autre dieu de pluie, berbère celui là, en célébrant le rite "Aslith n w-anzar" (la mariée de l'Arc-en-ciel en berbère).
F. Mitterrand, à titre d'exemple, a marqué son règne par le musée du Louvre, la Cité des Sciences et de l'Industrie, la Bibliothèque National, la Grande Arche de la Défense... quant à notre monarque, il veut concurrencer son voisin marocain et ses maîtres du Moyen-Orient en marquant son règne médiocre par la construction de la grande mosquée d'Alger. A-t-il eu une vision lui annonçant que l'Algérie est la quatrième mosquée sainte?!! Va savoir. Montant de l'opération un milliard d'euros (Le Jeune Indépendant), un montant prévisionnel. C'est la volonté du monarque. Qarrarna (on a décidé). Elle est vraiment grande la volonté du plus petit des grands.
Un État républicain digne de ce nom laisserait ce type de réalisations, en l'occurrence les édifices de cultes, grands soient-ils ou petits, aux communautés religieuses, mais, hélas, pour ce qui est de la future grande mosquée d‘Alger, il s’agit de la confirmation d’une République islamique ; une cerise sur le gateau pour ceux qui, depuis des décennies, ont entamé un processus machiavélique pour déposseder et dénuder le citoyen de tous ses aquis et briser ses éspoirs de voir un jour, dans cette partie de Thamazgha, s’épanouir une vraie République laïque, progressiste et égalitaire.
De mon côté je vais rassurer Kateb Yacine en lui annonçant que les fusées ne décollent toujours pas et il y a juste leur nombre qui augmente et à priori leur hauteur aussi (3).
Qu'attendons-nous pour allumer des bougies? Peut être que leurs petits feux feraient un grand feu d'espoir celui-là et sa grandeur achèverait la plus grande arnaque de notre histoire.
Paris, 20 juin 2006
(1) « C’est un projet attaché à la souveraineté du pays. Chaque État musulman a sa propre grande mosquée officielle, où se déroulent notamment les cérémonies d’importance », expliquait le chargé de la communication du ministère des Affaires religieuses.
(2) « C’est comme si l’on avait construit une mosquée par jour depuis 1962. Un record mondial. » C’est ainsi que Abdellah Tamine, chargé de la communication au ministère des Affaires religieuses, commentait le chiffre de 15 000 mosquées existant en Algérie.
(3) Selon, M. Tamine, le ministère a calculé une sorte de projection évoquant la nécessité de construire dans les années à venir quelque 3000 mosquées à travers le territoire en prenant en compte les variantes démographiques et leur actualisation.