Amnésie et hold-up
par G.B, 01 Avril 2006

Dans notre pays, des coutumes et des us sont indétrônables. Des pratiques se perpétuent.
Les décideurs sont, eux aussi, indétrôables et font table rase du(es) passé(s) sans avancer.

L’histoire de la révolution algérienne n’est même pas écrite alors qu’on martèle sans cesse sa réécriture et ceci dès le lendemain de l’ « indépendance ». Réécrire une histoire qui n’est pas écrite, y a qu’au pays des merveilles que ça se passe !!

Les acteurs et les témoins de la guerre de « libération », encore vivants, refusent de témoigner pour, disent-ils, ne pas remuer les blessures et ne pas heurter les sensibilités des uns et des autres. A croire que c’est l’histoire d’une bande de voyous.
Aussi, je me demande même si ces « acteurs », du moins une partie, ont mené la guerre de libération contre le colonialisme français ou contre eux-mêmes.

L’histoire c’est, avant tout, la collecte des différentes versions des faits et actes et leur transcription, et, c’est aux historiens et chercheurs, ensuite, de l’étudier, de l’analyser et d’élucider ses zones d’ombres et d’en faire, si possible, une lecture objective.

Finirait-on par appeler la décennie noire, comme le font les révisionnistes de tout bord concernant la guerre de la libération, une autre guerre "sans nom" ou "la sale guerre". Ou tout simplement finirait-on par décréter que l’Algérie est un pays sans nom et sans mémoire. C’est une autre tradition qui s’installe : la gestion de la chose politique par des décrets.

Les exactions et les assassinats ne sont pas que des chiffres.
Ni la quantification des morts ni l’amnistie, imposée, ne réconciliera la société avec elle-même.
Même pas un deuil. Même pas un débat national permettant à la fois une « thérapie » et d’en tirer des leçons et des conclusions des drames.

Comment est-ce possible, pour des individus vivant ensemble et prétendant avoir une histoire commune, d’envisager un avenir commun sans connaître cette même histoire ?!

Sans jugement de valeur du tribalisme et de ses « conventions », dans son authenticité, pas l’instrumentalisé, chez les Chawis, la gestion post-conflictuelle entre les individus ou groupes d’individus antagonistes, se faisaient - elle persiste là où les institutions de l’Etat sont inexistantes voire incapables de le faire même si elles existent - autour d’un couscous où sont présents tous les concernés ou leurs représentants. On passe pas l’éponge, on détermine les responsabilités, on répare le mal et les injustices.

Ca aurait été plus intelligent et plus censé de faire un débat national et non pas un référendum national.
Malheureusement ce n’est pas le cas car le but de cette consultation est une manœuvre politicienne pour continuer à berner et amnésier le peuple.


Le référendum pour la réconciliation nationale est soldé par une évasion organisée. Un hold-up de plus.

Le bémol est que les individus « libérés » sont des éléments politiquement actifs et engagés. La population, après le vote, reprend son combat quotidien pour la survie pendant que les « libérés » reprennent leurs prosélytismes et prêches et seraient toujours tentés par la réalisation de leur projet pour lequel ils étaient emprisonnés.
La tentation rode toujours. Les conditions objectives de leur engagement sont toujours la : le pouvoir corrompu, les inégalités et injustices sociales et économiques ; et la frustration de ces mêmes gens de ne pas instaurer l’Etat islamique. Ce n’est qu’une pause.

Le compromis est finalement trouvé : d’un côté, le pouvoir se pérennise, s’installe, redore son image et n’est plus dérangé (opposition inexistante ou normalisée) ; les corrompus d’hier, essentiellement ceux appartenant au sérail, s’institutionnalisent et ont la main mise sur les secteurs stratégiques de l’économie, dont une partie est bradée aux new-colonialistes, donc sur le vrai [futur] pouvoir. De l’autre côté, la société civile on lui lâche les chiens de la « Riz-public » et on laisse le soin, de gré ou de force, aux islamo-conservateurs d’achever l’embrigadement social et culturel.

Les crimes et les assassinats des islamistes ne sont pas reconnues par le clan, « communément » appelé d’Oudja ; et ceux de la France coloniale, qu’on se le dise, ne seront pas reconnus par la France d’aujourd’hui et qui ne songerait à le faire que quand elle aura comme interlocuteur les authentiques représentants de ce peuple algérien, assoiffé de d’égalité et de liberté , trahi par ce même clan qui a mit fin aux aspirations fondamentales des artisans de novembre.

Le dilemme auquel est confrontée l’oligarchie du système en place se réduit tout simplement à son incapacité consubstantielle à se doter de la l-é-g-i-t-i-m-i-t-é, qu’elle soit révolutionnaire ou constitutionnelle.

Vous pouvez nous mentir une fois, voire plusieurs fois, mais pas tout le temps. Rien n’arrêtera l’humanité avec son génie d’aller vers un futur meilleur. Vous nous faites juste perdre du temps. Vous pouvez toujours « pousser avec eux ».

G.B, Paris, le 01 avril 2006.