Oum-El-Bouaghi - El Djazia : Ramadhan et Aïd chez les pauvres
Jeudi, 26 octobre 2006

À l’appel du muezzin pour le f’tour, un père de famille de 7 personnes, dont 5 enfants, sans emploi et sans ressource, nous invite chez lui pour partager le f’tour avec sa famille. Sa femme était accroupie dans la pièce près d’une sorte de cheminée où le bois servant à la cuisson de la galette dégageait encore sa chaleur. Sur l’un des deux feux au gaz, une petite marmite. Le mari insiste et ôte le couvercle : des haricots blancs dans une sorte de sauce rougeâtre. Il en remue le fond avec une cuillère à soupe, façon de montrer aussi qu’il n’y avait pas de viande. “La famille, a-t-il dit, n’a pas bénéficié du couffin de Ramadhan et vit à crédit.” Humanisme, solidarité, islam et exclusion... point de tout cela. En quittant la maison vers El Karia, à quelques dizaines de mètres de là, un autre père de famille nous lance : “Les habitants de Djazia n’existent pas sur la carte Algérie !” Notre interlocuteur a aussi 5 enfants à charge. Il vit dans une maison en location à 1 200 dinars par mois, alors qu’il ne perçoit que les 3 000 dinars du filet social. Évoquant les vêtements de l’Aïd pour les enfants et les dépenses de Ramadhan, il dit avec regret : “Nous avons appris à nos enfants de ne pas penser à ce genre de choses. J’ai 2 enfants dans le cycle moyen, je n’ai laissé qu’un seul poursuivre ses études, faute de ressources financières. Je ne peu plus prendre en charge les dépenses de l’école.” Un jeune le relaie pour nous apprendre que “plus d’une centaine d’élèves de cette commune ont quitté les bancs de l’école, cette année, à cause du prix du transport scolaire, 10 dinars la journée. Ajoutez à cela l’incapacité des parents à acheter les livres et autres manuels scolaires”. Nos enfants ne pourraient jamais prendre les “clandestins” qui sont maîtres des lieux : 40 dinars la place pour Meskiana et 60 dinars pour Aïn Beïda.
Du moment que des citoyens de Djazia n’arrivent pas à trouver de quoi remplir leur ventre. Les gens vivent ici au-dessous du seuil de pauvreté.Il est exclu d’aborder avec ces gens la question des préparatifs et les dépenses de l’Aïd. Au centre du village, à proximité du siège de l’APC, se trouvent les 7 locaux de commerce, dans l’un d’eux, un jeune de 22 ans, titulaire d’un DEA en mécanique, dit lui aussi vendre à crédit. Un autre, plus âgé, 31 ans, sans travail, marié et père d’une fille de 2 ans, a une “table”. La valeur des produits “exposés” est de 3 000 dinars, pris à crédit chez un grossiste. Il nous déclare ne dégager, quotidiennement, qu’entre 50 et 100 dinars de bénéfice, juste de quoi acheter le f’tour, généralement de la chorba ou du lait avec du pain quand l’argent vient à manquer.
Pour rappel, la commune d’El Djazia, daïra de Dalaâ, wilaya d’Oum El Bouaghi, est l’une des cinq communes les plus pauvres d’Algérie.

B. Nacer
Source :
Liberté

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