Conserverie de N’gaous : La privatisation contestée
Jeudi, 19 octobre 2006

« Acceptez-vous, M. le Président, que N’gaous conserves, filiale de l’Enajuc, soit reprise par des contrebandiers de cigarettes Légend ? » C’est avec un tel cri et des propos pathétiques qu’un groupe de travailleurs exprime le désarroi d’une bonne partie des 172 employés qui ne veulent pas du repreneur, à savoir la Sarl Simagrof, une vieille connaissance n’étant de surcroît pas exempte de tout reproche.

Pour que les choses soient claires, le collectif qui s’est constitué en société n’est pas contre la privatisation. Un professionnel spécialisé dans l’industrie des conserves et boissons sera accueilli à bras ouverts, mais pas les contrebandiers qui doivent au préalable s’acquitter de leurs dettes et engagements contractuels qui dépasseraient les 50 millions de dinars », diront nos interlocuteurs, qui contestent l’opération d’évaluation du patrimoine et la vente s’apparentant, selon eux, au bradage d’un autre fleuron de l’industrie agroalimentaire. N’étant pas disposés à céder d’un pouce, les travailleurs, qui ont manifesté le 11 octobre courant leur courroux, interpellent les pouvoirs publics afin qu’ils ouvrent une enquête pour, disent-il, découvrir un pot-aux- roses, pléthorique en malversations, détournement et dilapidation de deniers publics. Ils réclament en sus le départ du PDG de la filiale, accusé de complicité avec la Sarl précitée, sachant, disent-ils, que le premier responsable de la filiale n’a pas levé le petit doigt (dépôt de plainte) pour récupérer les créances détenues par Simagrof à l’origine des problèmes que rencontre l’unité de Menaâ. Nos interlocuteurs, documents à l’appui, vont plus loin. L’évaluation est erronée. La valeur de la filiale disposant de deux unités (N’gaous et Menaâ) ne se situe pas dans la fourchette 370 et 454 millions de dinars comme consignés dans les conclusions des experts désignés par le groupe. L’évaluation, effectuée en 2002 par Cetic, le démontre d’ailleurs. L’actif réel de l’unité de Menaâ a été estimé à plus de 768 millions de dinars. Celle de N’gaous a atteint les 1, 253 milliard de dinars : la différence est de taille, précisent les réclamants qui enfoncent le clou : « Il est inconcevable de céder les deux unités pour un petit pactole de 720 millions de dinars. Dire que la conserverie de N’gaous détenait au 31 décembre plus de 530 millions de dinars en matière première et produit fini. Et on ne parle pas des 250 millions injectés ces dernières années dans l’acquisition de 3 nouvelles lignes de production. Nous laissons aux spécialistes le soin d’établir les comparaisons et de tirer les conclusions adéquates », soulignent les travailleurs soutenus par la société civile de N’gaous qui refuse elle aussi une telle transaction. « Avec un tel partenaire ne possédant ni le savoir-faire relatif à la spécialité ni la compétence pour reprendre qui ont réalisé en 2005 un résultat net de 497 880,41 DA, nous allons tout droit vers la faillite, et ce sont les centaines de postes de travail qui en pâtiront les premiers. Dire que l’offre des travailleurs ayant proposé 1,10 milliard de dinars pour la reprise de N’gaous et 556 millions de dinars pour Menaâ a été refusée pour un alibi qui ne tient pas la route. Et contre toute attente, on a accepté celle de Simagrof, ce distributeur de boissons devant au préalable épurer ses dettes. Le bon sens refuse qu’une telle filiale soit cédée à un mauvais payeur. Nous interpellons à travers ces colonnes le président de la République pour qu’il mette un terme a cette parodie ne disant pas son nom », soulignent-ils. Forts d’arguments en béton, les contestataires mettent sur la table de nombreux points noirs du nouvel acquéreur, lié à l’entreprise depuis 2002 par un contrat de processing qui n’a pas connu, selon eux, la réussite escomptée. « Le contrat qui tablait sur une production de 27 000 t an n’a réalisé avec de vieilles machines rénovées sur site par les Espagnols durant trois années (2003, 2004 et 2005) que 3800 t. A-t-on, le droit dans un pays supposé de droit de céder un tel patrimoine à un gérant ayant des antécédents judiciaires ? Nous invitons les pouvoirs publics à jeter un œil sur le contrat établi entre la Sarl Simagrof et son fournisseur du matériel installé à N’gaous. Nous les prions aussi de consulter la facture proformat du matériel implanté à Menaâ pour l’équivalent de 365 575 euros, alors que la facture transmise à la filiale est de l’ordre de 1 100 000 euros. Rien que pour « booster » l’investissement d’une Sarl, dont deux associés ont fait l’objet d’un scandale inhérent à une affaire de contrebande de cigarettes (de marque Légend) déjouée par les douanes algériennes à fin 2004 au niveau du port d’Alger. On doit aussi savoir que les mis en cause ont été arrêtés et écroués en janvier 2005 », diront les travailleurs, qui ont à maintes reprises alerté les hautes sphères de l’Etat qui observent un silence radio qui ne décourage pas pour autant les agents de la conserverie. Les résolutions de l’assemblée générale extraordinaire, tenue le 16 octobre courant, l’illustrent bien. Les travailleurs expriment leur refus quant à la vente précitée, exhortent une fois de plus les pouvoirs publics à ouvrir une enquête pour déterminer avec minutie les contours de la transaction qui ébranle une bonne partie des Aurès.

K.B.
Source :
El Watan

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