Souk Ahras : Une ambiance terne
Jeudi, 06 juillet 2006

C’est le coeur serré et le moral en berne que les Souk-Ahrassiens ont, dans leur majorité, accueilli le 44e anniversaire de l’indépendance, célébré - comme d’habitude - dans une ambiance morne, à la lisière de l’indifférence, expression éloquente, s’il en est, d’un profond gouffre de désespoir et de dépit dans lequel sont précipités des milliers de citoyens.

Car, et abstraction faite des flonflons qui accompagnent en pareille circonstance pareil événement, les oriflammes, qui tentent la gageure de redonner des couleurs à la livide cité, et le repos accordé aux salariés, rien, mais alors là, rien n’indique qu’en ce mercredi, le pays fête son indépendance. Cette désaffection très communicative se nourrit du difficile vécu de la population locale très peu satisfaite, globalement, de l’inventaire fait de 44 ans d’indépendance.

En quatre décennies d’indépendance, en effet, la wilaya de Souk Ahras ne peut aucunement se gargariser d’avoir atteint ses objectifs. Au sortir de longues et coûteuses années de guerre menées de front contre un ennemi particulièrement hostile qui a usé et abusé de moyens licites et illicites pour dompter toute une région et mettre au pas ses habitants, Souk Ahras, qui a payé un très lourd tribut à l’indépendance, était exsangue. Tout y était à refaire. Au retour, la compensation était de moindre envergure, en tout cas pas à la hauteur des sacrifices consentis et des attentes formulées. L’arrière-pays, voisin de la Tunisie de surcroît, souffre toujours d’un chapelet de meurtrissures qui ont progressivement conforté les provinciaux dans la conviction que le soleil de l’indépendance ne brille hélas pas, du même éclat sur toute l’Algérie. Quarante-quatre ans après l’indépendance, Souk Ahras traîne toujours, tel un boulet, ses frustrations et déceptions en chaîne.

Quarante-quatre ans après l’indépendance, Souk Ahras déplore toujours un réseau routier lamentable, et partiellement impraticable qui se veut une métaphore expressive de tout l’enclavement physique et moral qui caractérise la région. Quarante-quatre ans après l’indépendance, Souk Ahras n’a toujours pas résolu l’équation du logement social. La barre des 12.000 demandeurs est toujours de rigueur, ce qui n’est jamais un bon signe. Quarante-quatre ans après l’indépendance, Souk Ahras regrette toujours l’existence contre vents et marées d’une canalisation AEP vétuste et inadaptée, à l’origine de la fuite de quantités immenses d’eau et de graves problèmes de santé publique. Quarante-quatre ans après l’indépendance, Souk Ahras ne dispose toujours pas d’un aéroport, ni d’une gare routière, ni d’une liaison ferroviaire avec le reste du pays, ni d’un CHU, ni d’une cour de justice, ni d’un musée, ni d’un hôtel de quelque envergure qu’il soit, ni d’une piscine, ni d’une salle de cinéma après la fermeture des trois salles ayant existé par le passé, ni d’un parc d’attractions pour divertir l’armée de gosses rompus aux drastiques règles de l’oisiveté dès l’aube de leur existence, ni d’une bibliothèque aux normes, ni d’une cinémathèque, ni d’un grand centre commercial, ni d’un... enfin tout ce qui peut rendre la vie de tous les jours moins pesante, moins stressante et moins contraignante.

Osons espérer que le 45e anniversaire soufflera d’un vent nouveau sur Souk Ahras pour la porter au pinacle du progrès pour lequel elle a payé une onéreuse facture sans en être rétribuée équitablement au retour. Question de reconnaissance, tout simplement.

A.Gatouchi
Source : Le Qoutidien d'Oran