T'Kout - Le salaire du risque
Mercredi, 15 Aout 2007

1.200 tailleurs de pierres relevant tous de la région de Tkout, une daïra sise en plein coeur des Aurès, sont menacés par la pneumoconiose qui aurait déjà fait 27 morts, seulement dans cette région de Tkout.

Pour en savoir plus sur cette affaire, on s'est déplacé spécialement sur les lieux où on a pu rencontrer certains malades qui nous ont indiqué qu'ils ne savaient pas que l'exercice de la taille de pierre est tellement dangereux. D'autres malades clament que leur région est dépourvue de la moindre commodité de vie, alors ils n'ont rien à faire que de se déplacer vers d'autres villes pour travailler comme tailleurs de pierres. Le père d'une victime, Sellami Belkacem, 37 ans, père de trois enfants, décédé la semaine dernière après deux longues années de souffrance, Ami Kadour nous a avoué que «ces jeunes sont des victimes du chômage qui les a poussés par centaines à exercer cette activité mortelle. Il y a même des jeunes qui sont au courant du danger mais ils n'ont pas le choix», nous dit Ami Kadour en pleurant. Djamel Gumri, une autre victime, quant à lui, demande aux jeunes de stopper cet exercice car c'est la mort. Les citoyens de Chenaoura, une localité non loin de Tkout, totalement perdue dans les montagnes des Aurès, dépourvue également de tout, avancent que leurs jeunes malades ne sont pas pris en charge par l'Etat en matière de soins et plusieurs d'entre eux ont trouvé la mort après de longues souffrances. Afin de confirmer cette information, on s'est dirigé vers l'hôpital d'Arris où on a rencontré M. Ben Dada El Wardi, directeur intérimaire, qui nous a expliqué que la DSP a dépêché une délégation spéciale sur les lieux qui a organisé des journées de sensibilisation au profit des jeunes malades et même pour les citoyens sur les risques de ce métier. Un échantillon de la pierre en question ramenée de Tizi-Ouzou, ajoute notre interlocuteur, a été envoyé au service de la prévention au niveau du ministère et les résultats ne sont pas encore disponibles. Contacté sur ce sujet, le responsable intérimaire de la DSP nous a fait savoir que la direction de la Santé a installé une cellule de veille et de suivi et a ouvert un service d'hospitalisation au niveau du secteur sanitaire de Batna afin de pouvoir hospitaliser tous les cas multi-résistants. Ce responsable ajoute qu'un programme de la couverture sanitaire à travers le sous-secteur de Tkout a été élaboré, en plus du lancement d'une campagne de dépistage auprès des tailleurs de pierres, estimés à 1.200 personnes environ, ainsi que leur entourage immédiat. La DSP a également procédé, selon ce responsable, à des enquêtes approfondies autour des cas de tuberculose identifiés.

En outre, les spécialistes rencontrés à Batna nous ont expliqué que les pneumoconioses sont définies par Parkes comme les maladies pulmonaires non néoplasiques résultant de l'inhalation de particules (poussières minérales ou organiques). Selon ces mêmes spécialistes, silicose et pneumoconiose sont consécutives à l'inhalation de la poussière contenant de la silice cristalline. «La silicose est une maladie professionnelle qui demeure fréquente et potentielle grave», nous dit un praticien.

Malgré tous ces efforts déployés, les jeunes de Tkout, Chenaoura et même de Ghassira, lancent un appel de détresse aux responsables afin d'intervenir sérieusement sur ce problème relatif à la santé publique et qui a fait déjà pas moins de 27 morts, et des centaines de jeunes continuent toujours à exercer ce métier malgré les risques. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu'ils n'ont pas trouvé quoi faire d'autre.

Manaa Nacer
Source : Le Qutidien d'Oran

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