Toi c'est moi et moi qui suis-je ?
par G.B.

DihyaLe livre (1) de Gisèle Halimi sur la Kahina vient se rajouter à la collection des auteurs qui se projettent dans des personnages historiques à la recherche d'une identité mythique et des symboles pour continuer à [sur]vivre.

Dihya, surnommée la Kahina, est une Femme, chawie, féministe, libre, guerrière, stratège politique et de surcroît Reine. Reine des Aurès. Reine des Berbères. Reine des femmes et des hommes qui se battent pour leur dignité. Dihya est morte dignement, et ses assassins étaient lâches. Elle les a humilié en leur infligeant des défaites militaires ; elle les a humiliés en rendant son âme comme berbère fidèle à elle même. Gisèle ne nous apprend rien.

Dans son roman c'est Khaled qui cherche à connaître et découvrir la Kahina. Ce n'est pas une coïncidence. Khaled est le seul prisionnier arabe, neveu du chef de l'armée arabo-musulmane, à ne pas être libéré par Dihya et qu'elle adopta. En retour, il la trahissait en communiquant au chef arabe, et en permanence, les informations stratégiques du camp berbère. Cette confusion de genre et de personnage n'est pas innoscente.

Au fil du roman [historique], Gisèle met en avant la judaïté de la Kahina au détriment de sa berbérité. Est-ce vraiment une juive ? Aucune étude le prouve.

Halimi a théâtralisé une compilation d'informations dont l'exactitude reste à prouver (même celles d'Iben Kheldoun qui est, pour moi, plus ethnographe qu'historien ou sociologue). Halimi est une documentaliste romantique pas une rationnelle scientifique. Soit son oeuvre est une fiction littéraire soit un travail historique. Il ne peut pas être les deux à la fois. D'ailleurs pourquoi Halimi s'intéresse-t-elle au personnage de la Kahina ? Est-ce par ce que Dihya est juive et Halimi l'est aussi ? Ou est-ce parce que la Kahina est féministe et Halimi l'est aussi ? Je suis sûr d'une chose : Dihya, la Kahina, est berbère et féministe. Elle ne l'est pas par hasard. Elle l'est par ce que la société chawie l'était aussi. Quant à Halimi...

Dihya dite la Kahina n'est pas la première à unifier les berbères et ne sera pas la dernière. Avant elle y a eu Jugurtha contre Rome, Donat contre l'église de Saint Augustin, et après elle Khattabi contre le colonialisme français. Tous voulaient l'affranchissement du peuple amazigh de toute tutelle sans tomber dans l'exclusion de l'autre. La terre de Thamzgha c'est pour les Imazighen, l'Ifriqiya (l'Afrique) pour les africains. Dihya unifia, comme l'ont fait les autres chefs amazighs, les berbères de toutes confessions pas les tribues juives uniquement. Elle, comme l'ont fait les autres chefs amazighs, les a réuni pour défendre sa terre et les siens pas une religion. C'est contre les invasions et les injustices, quelles qu'elles soient leurs formes et leurs essences, que les imazighens et leurs chefs se soulevaient et se soulèvent toujours.

Après l'acculturation des imazighiens par les arabo-musulmans quinze siècles durant, et l'occultation de l'amazighité par les nationalistes arabes et par la France coloniale, c'est, d'un côté, le tour de la guerre de l'indépendance - outil légitime - de subir des attaques révisionnistes de tout bord (en Algérie, par des historiens-valets du système arabo-baâthiste en minimisant le rôle des enfants de Dihya principalement ceux du pays chaoui et de la Kabylie, à l'étranger par les nostalgiques de l'Algérie française en la passant pour une guerre civile) et, de l 'autre côté, de l'histoire des imazighen par des narcissistes à la recherche de l'alter ego.

Halimi, trouve que la Kahina, la chaouie, et son peuple ont mené une résistance et ne sont pas agresseurs et ça ne peut être le cas car ils sont juifs et le judaïsme n'agresse personne car les juifs c'est le peuple élu. Et par ce que c'est un peuple élu, toujours selon Halimi, il se replie sur soi.
Nom de dieu où elle nous a concocté cette recette ? Les indiens résistèrent aux agressions de l'homme blanc, "civilisateur" et "chrétien", et ne sont pas pour autant, que je sache, ni juifs ni peuple élu!! Les imazighens résistaient contre leurs agresseurs et ne se sont pas repliés sur eux-mêmes. Surtout pas ça.

Les arabes l'ont appelé Kahina, la sorcière. Les juifs y trouvent Cohen. Halimi reprend le surnom, l'actualise, comme font les intégristes en refaisant une relecture, saine, du Coran, et considère la Kahina comme visionnaire. Visionnaire, quatorze siècles auparavant, au point de trouver dans l'acte rituel berbère de l'adoption la trace d'une quête de paix du conflit israélo-palestinien. La Kahina, selon Gisèle, a réuni ses deux enfants juifs (pas berbères) et l'arabe Khaled. Je ne savais pas que Halimi est une charlatante des temps modernes. J'aimerais bien si Halimi a pu trouver dans l'histoire de la Kahina une trace d'Elie Kakou ou de Dieudonné ? Sur les terre de Dihya, les berbères sont toujours là, le judaïsme, comme foi, s'est évaporé ou s'est exilé. J'ai horreur des théories des ensembles, mais je finirais par dire que c'est tous les mêmes : Moussa El-Hadj, El-Hadj Moussa (bonnet blanc, blanc bonnet).

"L'humaniste" Arcadi qui à chaque fois réalise un travail sur l’Algérie relativise la responsabilité des colonialistes et de leurs alliés dans le massacre des algériens et exige des algériens qu'ils fassent de même. Ce qui veut dire remettre en cause la résistance et la guerre de libération des algériens. Les algériens imazighen voulaient l'indépendance ; ils ont mené une guerre pour l'avoir et l'ont arraché. Je n’en connais pas une guerre propre. Cette guerre pouvait être évitée en 1945 quand les algériens ont demandé l'indépendance pacifiquement. Ce n’était pas un projet "civilisionnaliste" ou libérateur que les colons proposaient aux algériens. Ils expropriaient les algériens et spoliaient leurs biens. Ils les exploitaient et les excluaient sur leur propre terre. La terre amazigh de Jugurtha, de Donat et de Dihya.

L'expropriation (judaïsation, romanisation, francisation) des berbères de leur histoire, renforce l'intégrisme et le fondamentalisme islamistes sur les terres de thamazgha : le combat de l'amazighité serait amalgamé et réduit par des simplismes et des raccourcis à une alliance judéo-berbère ou berbèro-néocolonilaiste, les uns ennemis de la Palestine dans les terres saintes et les autres comploteurs contre l’indépendante et l'unité natioanle donc contre l'Islam, les Arabes et l’Algérie. C'est toujours l'instrumentatlisation des croyances religieuses, entre autres, qui plonge l'humanité dans le chaos.

Si Rome était, comme le clamait Jugurtha, à vendre, notre âme et notre histoire ne l'ont jamais été, ne le sont pas et ne le seront pas. Ni aux diables ni aux anges. C'est ce qui fait de nous, depuis une éternité et pour toujours, des imazighen. An n'ili nigh ur nt'ili (to be or not te be).

Paris, 11 novembre 2006


(1) : Gisèle Halimi, La Kahina, Ed. Plon, paru le 05/10/2006 (à emprunter pas à acheter).

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